Voyager demain : Voyager en 2021, l'après COVID-19

Sur ce territoire immaculé et sauvage, l'absence de barrières entre la nature et l'homme rend l'expérience plus captivante encore. Progressivement, on y devient une partie de l'environnement, où il n'est possible de compter que sur soi-même, ses forces et ses capacités. Après quelques temps, le corps d'adapte et le sentiment de devenir plus performant, les sens en alerte, en harmonie avec les lieux, est enivrant. C'est pour ce mélange de sensation que je veux y retourner.

 

En Ouganda, les visiteurs se sont évaporés, et les braconniers ressortent du bois. Depuis le printemps, lions, girafes, antilopes et même le rare gorille à dos argenté paient au prix fort la pause imposée par la pandémie de Covid-19. Avec des mesures de confinement décidées dès la mi-mars et l'arrêt consécutif des safaris, l'un des piliers de l'économie du pays s'est effondré et, avec lui, ce qui garantissait en grande partie la protection de la faune. Terminé les allées et venues des jeep de touristes armés de jumelles et de téléobjectifs qui dissuadaient les chasseurs. Fermés, les lodges de luxe dont les terrasses panoramiques tenaient aussi lieu de vigie. Sans compter que la manne touristique finançait salaires des rangers et opérations anti braconnages. Résultat, selon l'Uganda Wildlife Authority, le nombre d'actes de braconnage dans l'ensemble des 10 parcs nationaux du territoire a déjà plus que doublé par rapport à l'an dernier... Féroce, ce drame africain dévoile à quel point le coup d'arrêt imposé au secteur du tourisme bouleverse les équilibres. Aux 4 coins du globe, la vision des lieux désertés par l'Homo touristicus, espèce aussi lucrative qu'horripilante, vaut toutes les études d'impact. (Géo Magazine - octobre 2020).

 

"Aujourd'hui, on prévoit tout, jusqu'à son assurance-décès. C'est ce manque de spontanéité que je reproche à la société : il n'y a pas de recette pour voyager, c'est un chemin à prendre. On peut toujours fermer sa porte derrière soi et traverser l'Europe dans tous les sens à pied. On a des milliers de kilomètres de sentiers balisés. Celui qui me dit qu'il ne sait pas où aller en vacances, je le secoue. C'est gratuit ! Il suffit de prendre un sac à dos, une tente et un petit matelas. C'est par ce type d'aventure qu'on se rend compte de notre différence avec l'autre, du fait que l'eau courante est précieuse, qu'il y a des réalités différentes de la nôtre. C'est ce genre de voyage qui forge l'esprit et le corps." Sarah Marquis, aventurière de 48 ans qui a récemment traversée à pied la foret inexplorée de Tasmanie, un trek qu'elle raconte dans son livre J'ai réveillé le tigre.


Faut-il renoncer au voyage ?
Non, il est nécessaire parce qu'il ouvre l'esprit. Sans le voyage, on cultive les a priori. Même s'il faut accepter que certains sites ne soient plus accessibles pendant un temps, pour qu'ils puissent se régénérer, comme Venise par exemple. Le problème aujourd'hui, c'est qu'on assiste à une "disneylandisation" du monde. Quand j'ai emprunté le chemin de l'Inca pendant mon voyage en Amérique latine en 2014 pour la visite du grandiose Machu Picchu, nous étions libres, la réservation devenait tout juste de devenir obligatoire. Maintenant il faut s'y prendre longtemps à l'avance, la durée de la visite est limitée seulement à une demie-journée et un guide est obligatoire pour y avoir accès, par ce que c'est devenu un passage obligé des tour-opérateurs.

Que doit-on faire pour que cela change ?
Il faut que le voyage soit moins fréquent, mais surtout qu'il implique plus de réciprocité. Il faut penser à ce qu'on peut apporter au pays dans lequel on se rend, comment aider les populations locales pour que celles-ci profitent du tourisme. Et surtout faire plus de place à l'inconnu. L'inconnu, c'est accepter sa fragilité, et c'est en étant fragile qu'on est plus sensible et qu'on se laisse transformer.

 

"La crise que nous traversons agit comme un révélateur de tendances qui existaient déjà avant, même si tout le monde n'y était pas sensible : l'émergence de la lutte de certaines villes contre Airbnb, ou encore le regain d'intérêt pour les trains de nuit et la microaventure, la permaculture et l'artisanat. La conscience écologique arrive par elle-même. Les gens sont à la recherche d'honnêteté, de transparence, et de local, des valeurs qui ne sont pas celles du tourisme de masse. Si voyager est intrinsèque à notre nature humaine, c'est la nature même du voyage qu'il faut repenser, en créant du lien notamment. Quel est l'interêt d'avoir la même chambre d'hôtel à Milan ou à Pékin ? Pourquoi faire venir du marbre italien à Tokyo ? Ce sont aussi ces questions qu'il faut se poser." Cécile Poignant, spécialiste des modes de vie et de l'évolution des tendances socioculturelles.

Ce qui me dérange, dans le tourisme d'aujourd'hui, c'est le fait d'aller dans un pays sans se préoccuper de la réalité de celui-ci. Se rendre dans des Etats pauvres pour vivre dans un luxe que l'on ne peut s'offrir chez soi, je ne trouve pas ça très sain. Ce que j'aime, c'est de prendre le temps de rencontrer et observer les populations locales. On n'apprend rien de la réalité d'un pays en restant enfermé dans les lieux hautement touristiques. C'est notamment pour ça que je crois plus à un tourisme individuel (style sac à dos et globe trotteur) qu'au tourisme de groupe.

 

Une grande tendance dans le secteur du tourisme : on constate que 95% des touristes dans le monde se rendant sur 5% de la planète. Il faut voyager moins souvent et plus longtemps, arrêter en autres les "City breaks". Aller deux jours à New York est absurde. Prendre deux vols par an reviendrait à émettre autant de CO2 qu'un an de chauffage d'un petit logement. Personnellement je pars pour une durée de minimum un mois et bien plus si l'occasion se présente, et environ une ou deux fois tous les 2 ans. Cette image des transports c'est récemment dégradée, le transport aérien en tête, responsable selon l'agence internationale de l'énergie (AIE), de 3% des émissions mondiales de gaz à effet de serre (en comparaison, les activités liées à Internet représentent 4%, et celles du textile et de l'habillement 8%).
D'autres chiffres : il n'y a pas 1,4 milliard de touristes comme on le dit souvent, en réalité ce sont 1,4 milliard d'arrivées internationales dans le monde, pas exclusivement tournées vers le loisir et la découverte. Par ailleurs, au total, moins de 5% de l'humanité a déjà pris l'avion. Et sur les 500 millions d'humains qui le font chaque année, seuls 200 millions le font pour leurs loisirs (sport, tourisme, etc).
Le secteur du tourisme pèse pour 10% du PIB mondial et emploie 313 millions de personnes. Troisième ressource économique mondiale (après la chimie et les carburants, mais devant l'agroalimentaire et l'automobile), le tourisme a cette singularité de vendre des merveilles, une cathédrale, une plage paradisiaque, une vue imprenable, qui ne lui appartiennent pas.

Vers un retour à la normale ? Les acteurs du secteur s'accordent à dire que le retour aux niveaux de fréquentation d'antan prendra du temps en raison de l'affaiblissement inédit des compagnies aériennes et des délais nécessaires pour qu'un vaccin soit disponible. Quand au low cost, ce système appartiendra, je l'espère, bientôt au passé tant les prix pratiqués ne reflètent pas l'emprunte carbone d'un vol aérien.

Pour conclure, le voyage idéal n'existe pas. Il est légitime que chacun ait des attentes différentes. Certains cherchent des rencontres, d'autres , l'émerveillement et d'autres encore, le dépassement de soi. Pour moi, le voyage idéal est celui qui combine plus au moins à parts égales ces trois dimensions. 

Paolo Rumiz, écrivain voyageur a écrit : "UN GRAND VOYAGE, C'EST LAISSER SON SMARTPHONE À LA MAISON, SUIVRE N'IMPORTE QUELLE DIRECTION EN COUPANT LE TERRITOIRE, SE DÉPLACER AVEC UNE CARTE ET LAISSER PLACE À L'AVENTURE, CAR UN HOMME QUI NE PREND PAS DE RISQUE, C'EST UN HOMME QUI N'A PAS VÉCU".


Rédigé par Guillaume D, le 20 octobre 2020

© Guillaume D - Voyage en Inde - Himalaya au coeur du Ladakh et du Zanskar pour un vol intérieur au départ de Leh - 2012
© Guillaume D - Voyage en Inde - Himalaya au coeur du Ladakh et du Zanskar pour un vol intérieur au départ de Leh - 2012
JOUR 26 : 22 AOUT 2012 : VOL LEH VERS DELHI & VISITE DE DELHI

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