Nivologie & Avalanches

Bienvenue dans la rubrique nivologie & avalanche !

Celle-ci a pour objectif de mettre en avant les principales informations dont nous avons besoin en terme de neige et d'avalanche pour pratiquer nos activités de montagne. De plus, pour les passionnés, nous vous proposerons un contenu complet cherchant à aller plus loin dans la connaissance de cette denrée exceptionnelle qu'est la neige.

 

L'observation de la surface de la neige et la sensation en progressant sont les premières informations sur le manteau neigeux.

Hétérogénéité en surface : neige fraîche, croûte, carton, effet du vent, effet de la pluie...

Hétérogénéité en profondeur : superposition de couches, mille-feuilles, le passage d'une couche à l'autre peut être un point faible en particulier en présence de nettes différences de dureté ou de cohésion des grains, de couches fragiles.

Hétérogénéité dans le temps : influence de la météo, des températures, du vent ; évolution en fonction de la température dans le manteau neigeux (notion de gradient).

 

Tester le manteau neigeux peut fournir des renseignements mais ne peut être le seul élément de prise de décision.

Les tests rapides : tracer, faire une boule de neige, test du bâton...

Les tests un peu plus long : test de la pelle en cisaillement, en compression...

Les tests long : coin glissant, profil stratigraphique...

Il convient d'identifier quelques situations avalancheuses ou la vigilance devra être adaptée.

 

Rappelons d'ores et déjà quelques liens utiles :

-L'ANENA, association nationale pour l'étude de la neige et des avalanches : www.anena.org

-ANPSP, association nationale des pisteurs-secouristes : www.anps.asso.fr

-DATA Avalanche, association internationnale d'avalanche, les dernières avalanches en ligne : www.data-avalanche.org

-MONTAGNE-Secu, toutes les infos pratiques pour la recherche de victime en avalanche. Permet aussi un exercice en ligne : www.montagne-secu.com

-ALEASKI, site destiné aux pratiquants pour connaitre le maximun d'informations sur les dernières conditions du terrain et le bra : www.aleaski.info

 

> La Carte de Localisation des Phénomènes d'Avalanche (CLPA) est une carte descriptive des phénomènes observés ou historiques, ayant pour vocation d'informer et de sensibiliser la population sur l'existence, en territoire de montagne, de zones où des avalanches se sont effectivement produites dans le passé, représentées par les limites extrêmes atteintes : www.map.avalanches.fr

> Identifier les pentes à 30° s'avère être un atout majeur pour l'estimation des risques d'avalanche dans une sortie à skis. Voici un outil numérique en ligne sur fond de carte IGN : www.skitrack.fr ou www.alpenvereinaktiv.com/en/tourplanner/

Outils : Identifier les pentes à 30° s'avère être un atout majeur pour l'estimation des risques d'avalanche dans une sortie à skis. Voici un outil numérique en ligne sur fond de carte IGN : www.skitrack.fr ou www.alpenvereinaktiv.com/en/tourplanner/ & CLPA : www.map.avalanches.fr

Le manteau neigeux et les types d'avalanches

I] Le manteau neigeux

Rien de plus changeant que l’élément sur lequel évoluent les adeptes des sports de neige. C’est à la fois une source de plaisir et de danger. Les chutes de neige successives s’accumulent tout au long de la saison pour constituer ce que l’on appelle le manteau neigeux. Sa composition n’est pas figée une fois pour toutes. En effet, dès que la neige se dépose au sol, et même parfois en cours de chute, elle commence à se transformer selon des phénomènes physiques en relation avec les conditions météorologiques. Ces modifications de forme et de taille, parfois spectaculaires, peuvent avoir de multiples causes : nouvelles chutes, vent, refroidissement ou réchauffement de l’air, répartition verticale de la température dans la neige, etc. Le résultat en est un manteau stratifié, sorte de millefeuille composé de couches correspondant à chacune des chutes de l’hiver. Selon les caractéristiques de ces couches et la façon dont elles sont empilées, le manteau neigeux peut devenir stable ou instable,ce qui peut dans ce dernier cas entraîner spontanément des avalanches ou faciliter leur déclenchement.

 

II] Les Avalanches

 Une avalanche est une masse de neige qui dévale une pente à plus ou moins grande vitesse. Schématiquement, on distingue trois familles d’avalanches définies chacune par le type de neige mise en cause dans le mouvement initial : l’avalanche de neige récente, l’avalanche de plaque dure, et l’avalanche de neige humide (ou de fonte). Mais la réalité est souvent complexe et, au cours de son trajet, une avalanche peut changer de caractéristiques.

 

L’avalanche de neige récente

La neige mise en mouvement est peu évoluée, sèche ou humide, pulvérulente ou de faible cohésion. Sa masse volumique est le plus souvent inférieure à 200 kg/m. Les avalanches spontanées se produisent pendant ou peu après les chutes de neige alors que le risque de déclenchement par le skieur peut persister plusieurs jours. Ces avalanches se caractérisent soit par un départ ponctuel, soit par une cassure linéaire. Dans le cas d’un départ ponctuel, l’avalanche s'élargit vers l’aval (trace en forme de cône ou de poire). Les cassures linéaires concernent une neige dont la cohésion est faible mais suffisante pour se comporter initialement comme une plaque friable. Ce dernier type de déclenchement d’avalanche provoque beaucoup d’accidents. 

Il est d’autant plus dangereux que l’aspect poudreux de la neige de surface ne donne pas l’impression d’un matériau pouvant subir une fracture linéaire (comportement de plaque). Que le départ de l’avalanche soit ponctuel ou linéaire, son écoulement et son ampleur dépendent de plusieurs facteurs : quantité de neige mobilisable, qualité (sèche, humide), température et densité de la neige, topographie (nature du sol, déclivité, longueur de la pente). Leur écoulement se fait soit en surface comme un fluide dense soit sous forme d’aérosol,mélange de neige et d’air (avalanche de poudreuse).Les plus grosses d’entre elles, qui déferlent à très grande vitesse (jusqu’à 200 à 300 km/h) peuvent provoquer d’énormes dégâts. La zone de dépôt de ces avalanches de poudreuse est parfois difficilement détectable car elle s’étend sur une vaste superficie.

 

L’avalanche de plaque dure

Moins difficiles à déceler que les plaques friables, les plaques dures sont également très dangereuses pour les skieurs et les randonneurs. La rupture initiale concerne une neige de bonne cohésion, d’une masse volumique de 200 à 400 kg/m.

La cassure, toujours très nette, se propage rapidement suivant une ligne brisée. L’instabilité de ces plaques tient essentiellement à la présence d’une sous-couche fragile. Leur équilibre précaire peut être rompu sous l’effet d’une faible surcharge. Une variété de plaques, dites plaques à vent, se forme sous l’action du vent ou après une chute de neige. Brisés par le vent, les cristaux sont réduits en fines particules qui, en se déposant au sol, prennent rapidement une bonne cohésion. Ce qui explique également la formation des corniches au voisinage des crêtes. Les zones d'écoulement et d’arrêt de ces avalanches sont parsemées de blocs tabulaires de neige dure.

 

L’avalanche de neige humide (ou de fonte)

Ce type d’avalanche est directement lié à la présence d’eau liquide (fonte superficielle, pluie, etc.). La neige « mouillée » a une masse volumique élevée (350 à 500 kg/m en moyenne). Ces avalanches se produisent au cours de réchauffements importants, accompagnés ou non de pluie. Les plus typiques des avalanches de neige humide sont les avalanches de printemps qui se produisent dans les pentes bien ensoleillées. Elles peuvent intéresser des versants ou être canalisées dans d’étroits couloirs. Les vitesses sont relativement faibles, de l’ordre de 20 à 60 km/h, mais ces avalanches ont un grand pouvoir d’érosion et, pour les plus importantes, une grande puissance dévastatrice. Les dépôts, parfois de plusieurs mètres d'épaisseur, sont constitués de blocs informes de neige très dense.


Situations avalancheuses

Méthode de vigilance encadrée
Méthode de vigilance encadrée

Ce qui ressort régulièrement des accidents d'avalanche est que les gens se posent bien la question : "est-ce que ça peut partir ?" mais ils oublient souvent la question suivante "que se passe t'il si ça part ?". Même si une petite avalanche se déclenche... elle peut te trainer dans une falaise ou te coller contre les rochers.

"Faire gaffe" come on le dit souvent. Si c'est une zone exposée où l'on ne peut s'engager qu'un par un, lors, "faire gaffe" veut dire pour le skieur ne pas se mettre une boite et bien garder l'échappatoire en vue. Les autres le surveillent, bien à l'abri. En rando à la montée, c'est plus compliqué à gérer. C'est pour çà que les itinéraires de montée doivent suivre systématiquement le terrain le moins exposé en évitant au mieux les pentes supérieures à 30°, cet outil suivant est alors bien utile : www.skitrack.fr tout comme un inclinomètre sur le terrain. Les longues pentes à plus de 30° sont interdites aux skieurs incapables de les parcourir d'une traite rapidement (cuisses trop faibles et/ou technique insuffisante).

La base : reconnaitre une couche fragile classique, c'est une couche de neige évoluée (pas la fraîche d'hier), tendre (on y enfonce le poing) et sèche. Si elle se trouve en surface, c'est juste bon à skier. Si elle est enfouie, il faudra s'en méfier. Si les grains sont gros (plus d'un mm de diamètre environ; on les distingue facilement dans notre gant) la couche fragile sera probablement persistante et les grains en question sont les fameux gobelets (voir ci-dessous). A signaler aussi que les couches fragiles humides fonctionnent parfois et que la neige récente peut faire office de couche fragile. Quelques millimètres suffisent ! Faire des coupes et des tests sur le terrain permet de mieux appréhender la situation et s'entrainer à mieux connaitre le manteau neigeux sur lequel on évolue (je me ferais un plaisir de vous montrer - Guillaume D).

 

Il convient d'identifier quelques situations avalancheuses ou la vigilance devra être adaptée.

 

Départs spontanés :

1. Chute de neige sèche en cours

Observations/Analyse :

-Pentes autour de la trace + pentes dominantes

-Départs spontanés d'avalanches

-Epaisseur de neige meuble (seuil 20-30 cm / homogène)

-Chute plus intense, manque de visibilité (observation visuelle et enfoncement du bâton)

Conduites à tenir :

-S'éloigner des versants raides (y compris en forêt)

-Attention cas de mauvaise visibilité

Quantité critique de neige fraîche ?

Un repère utile pour le réajustement du BERA (ou en cas d'abscence du BERA)

-Conditions défavorables : seuil critique : 10-20 cm

Vent fort / Chute de neige sur une surface peu favorable (couche fragile) / Epaisseur hétérogène

Attention aux changements de températures pendant la chute ! Si froid puis plus doux (structures de plaques).

-Conditions favorables : seuil critique 30-60 cm

Vent faible / Pente fréquemment parcourue (effet de damage proche des pistes)

 

2. Redoux brusque / Pluie sur neige réçente

Observations/Analyse :

-Epaisseur neige meuble

-Horaire début de la pluie (plus dangereux en début d'épisode moins d'une heure de pluie forte)

-Activité avalancheuse en cours, début de purges (observation visuelle et enfoncement du bâton)

Conduites à tenir :

-S'éloigner des versants raides (y compris en forêt)

-Attention cas de mauvaise visibilité

 

3. Situation printanière, neige transformée, détrempée

Observations/Analyse :

-Epaisseur de la croute de regel

-Orientation / horaire

-Epaisseur de neige meuble

-Activité avalancheuse en cours, début de purges (épaisseur regelée, épaisseur meuble)

Conduite à tenir :

-Jouer avec l'orientation et l'horaire

-Plus critique sur les premières humidifications

 

Déclenchements provoqués :

1. Vent par beau temps ... ou pendant la chute de neige

La neige déposée ventée est plus dense que celle déposée sans vent : risques généralisés

Observations/Analyse :

-Déplacements de neige plus ou moins important (la trace se comble, les crêtes fument, indices de surface (ides, dunes, givre opaque, pâtrage...))

-Parfois des départs spontanés

Principalement observation visuelle, risques localisés.

Conduite à tenir :

-Méfiance dans les zones abritées : versant protégé du vent, proches des crêtes, même loin des crêtes ou en forêt si vent très fort, sortie ou partie évasée d'un couloir, combes, ruptures de pentes, etc...

-Préférer les versants exposés au vent.

 

2. Situations complexes : associées à la structure du manteau neigeux et succession d'épisodes météo

Situations critiques identifiables lors de la préparation de sortie :

-Hiver froid avec de faibles chutes de neige

-Chutes de neige après une longue période de beau temps dans les orientations froides (structures de plaques sur couche fragile)

-L'isotherme 0°C est remontée au-dessus de 3 000 m pour la première fois de l'hiver pendant plusieurs jours.

Signaux d'alarme identifiable sur le terrain :

-"Woumfs" et fissures du manteau neigeux

-Constat de départs spontanés de plaques

-Déclenchement à distance

L'absence de signaux ne signifie pas abscence de danger !

90% des accidents d'avalanche sont des plaques de neige sèche, déclenchées par les victimes.

 

I) Les types de neige :

1°/ La neige fraiche

Elle est composée de particules reconnaissables.

Elle a une cohésion de feutrage (absorbe le bruit), il y a une imbrication des dendrites.

Risque : - D'avalanches avec départ ponctuel.

                - D'avalanches de plaques friables.

 

2°/ Les Grains fins

Ils sont composés de particules à formes "arrondies". Ces grains fin sont le résultat de l'effet du vent (très fin) et du faible gradient de températures (G≤5°C/m).

Il y a une cohésion de fritage (bonne).

Risque : - D'avalanches de plaques dures.

 

3°/ Les Couches fragiles

Il existe de nombreuses couches fragiles telles que :

-Les grains à face plane : Sous l'effet d'un moyen gradient de températures 

-Les gobelets : Sous l'effet d'un fort gradient de températures (G≥20°C⁄m). Grains gros (plus d'un mm de diamètre environ; on les distingue facilement dans notre gant)

-Le givre de surface : Sous l'effet d'un échange de vapeur d'eau entre l'air et le sol (le sol refroidit l'air).

-Grésil de neige roulée : Formation dans les Cumulus (nuages de front froid). Il y a des frotements entre les courants ascendants et descendants.

Il n'y a pas de cohésion.

Risque : - Quasi "nul" si ce sont des couches qui se trouvent en surface.

                - Très important si elles sont recouvertes par une autre couche.

 

4°/ La neige de fonte

Elle est composée de grains ronds sous l'effet d'une alternance réchauffement / refroidissement (souvent en fin de saison au printemps).

Il y a une cohésion de regel ou capillaire.

Risque : - Départs ponctuels (coulée).

                - Plaques de fonte.

Pour un bon regel nocturne, l'ambiance doit être froide et pour cela il faut : soit un vent froid, un changement de masse d'air, une nuit soit claire sans nuages et sans vent, soit qu'il y est un rayonnement thermique. Ce regel est faible par nuit couverte ou ventée.

NB : Si la neige est froide avec un très faible enneigement (début de saison, les premières neiges), le risque est très important.

Les différents types de cristaux :


II) Le gradient de température :

G : Température du sol - Température de la surface / Epaisseur du manteau neigeux = _ _ °C/m.

Le calcul est aussi possible couche par couche avec comme températures le haut (surface) et le bas (sol) de chaques couches.

- G<5 : faible

- G>20 : fort

- 5


III) Schéma des métamorphoses de la neige :

IV) Relevé type du manteau neigeux (par météofrance) :



Comportements lors d'une avalanche

En tant que personne menacée mais pas encore emportée :

Tenter de fuir vers les côtés, seulement si l’on est dans un couloir et qu’il est encore possible de rejoindre l’un des bords…

Si j’ai un système de sac gonflable, type « Air Bag » ou « Snow Pulse », je tire la poignée à fond, si possible avant de me faire réellement emporter. Rejoindre la poignée sur la bretelle du sac peut s’avérer impossible lorsque mon corps est pris dans la neige en mouvement …

Il faut savoir que si l’on est emporté par une plaque de neige (plaque à vent, qui peut atteindre dès le départ une vitesse de 50 km/h !), il vaut mieux passer directement à l’étape suivante, soit :

 

En tant que personne emportée :

Se débarrasser immédiatement des bâtons et ouvrir ses fixations de skis/surf (effet d’ancre)

Tenter de rester à la surface en essayant de faire passer la neige sous soi n’est possible que dans les petites coulées, difficile pour la victime d’estimer l’ampleur de la masse dans laquelle il est emporté ! Il vaut donc mieux dès le départ, fermer la bouche, se protéger la tête avec les bras en les maintenant fermement devant le visage. Cela pourra peut-être créer devant le nez la poche d’air nécessaire à la survie …

 

En tant que témoin :

Observer le point de disparition de l’enseveli (qu'il faudra si possible marquer au début de la recherche) et le sens d’écoulement de l’avalanche.

Déterminer la bande de recherche primaire en fonction du point de disparition et du terrain - bosses, creux, couloir...

 

Plan d'urgence :

Le plan d'urgence répertorie les mesures élémentaires pour le succès du sauvetage par les compagnons de la victime :

Obtenir une vue d'ensemble de la situation

Immédiatement estimer les risques résiduels – sur-avalanche ?

Donner l’alerte par téléphone ou radio depuis le site.

Mettre toutes les personnes présentes qui ne participent pas activement au sauvetage à l’abri et faire mettre les DVA qui ne sont pas utilisés pour la recherche en position d'arrêt (OFF). NOUVEAUTE: Si ces personnes disposent du Pulse Barryvox 3.2, les faire passer en mode "standby sauvetage", leur faire remettre leur DVA dans le support et fermer leur veste. (Voir FAQ)

Un sauveteur au moins doit immédiatement observer, écouter et utiliser son DVA

Dégager la personne ensevelie et lui prodiguer les premiers secours.

Donner l'alerte en se déplaçant physiquement jusqu’à la prochaine cabane ou vallée si la liaison n’a pas pu être effectuée avant.


Article : Alpages et avalanches

La déprise agricole en régions de montagne, déjà bien établie dans certains secteurs, pose plusieurs problèmes. Il en est un au moins qui doit interpeller les professionnels de la neige : l'abandon des pratiques pastorales en altitude a une incidence claire sur l'activité avalancheuse.

Chacun sait la valeur et l'impact de la pratique agricole sur l'aménagement des espaces naturels et reconnaît que l'entretien

régulier produit des paysages de qualité. Il assure aussi une plus grande sécurité face aux risques d'avalanches.

Prenons quelques exemples concrets :

Qui dit déprise, dit friches. Les pentes autrefois bien fauchées (les paysans autrichiens s'encordaient pour traiter certains prés très pentus), ou broutées régulièrement par les troupeaux (bovins ou ovins selon les sites) sont maintenant couvertes par de longs chaumes. Ces grandes herbes sèches, couchées par les premières neiges, deviennent d'excellents plans de glissement pour des départs de plaques. Et il est vrai que, toutes proportions gardées, l'herbe rase pâturée retient mieux la neige au sol, au même titre qu'un paillasson offre une résistance à la semelle.

En circulant à flancs de montagne durant l'été, les troupeaux créent naturellement des "terrassettes" qui forment un réseau de banquettes étroites sur les versants, semblables à une série de courbes de niveau qui strient la pente en une multitude de paliers.

Ces banquettes ont la capacité de rendre les pentes plus rugueuses, moins rectilignes, donc de contribuer à mieux fixer la neige. On a cherché à reconstituer ce mécanisme en creusant à la pioche des banquettes ; cela entraîne d'autres problèmes comme celui de l'érosion des sols. En effet, les troupeaux ont la capacité, par leur passage répété, d'enfoncer sur place la pelouse alpine, qui subsiste, au lieu d'être ouverte et fragilisée.

En cas d'abandon de l'alpage, la végétation arbustive du type aulnes (vernes, arcosses, varosses,...) tend à se développer

rapidement et plus facilement, surtout à ces altitudes, que des conifères ! Tant que l'alpage est fréquenté, ces arbustes sont

coupés et ont plusieurs destinations pratiques à une altitude où le bois est rare. Quelques années d'arrêt de l'activité pastorale suffisent à la prolifération de ces zones arbustives qui génèrent des secteurs d'instabilité. Outre les effets mécaniques qu'on leur prête (les arbustes se courbent, s'effondrent sous le poids de la neige, se libérant brusquement comme des ressorts au printemps), notons surtout que leur présence empêche un bon tassement de la neige sur le sol et favorise ainsi la métamorphose de moyen à fort gradient, par la présence d'air circulant à la base du manteau nival.

Sur un alpage exploité, les hommes aménagent les sources et les points d'eau, entretiennent les canaux d'irrigation, drainent constamment les zones humides. Si cet entretien disparaît, l'eau divague et s'étend sur les pentes. En gelant à l'automne, elle forme des nappes de glace où la neige adhérera mal; Mais surtout, la présence d'humidité ("mouillères") favorisera ici encore la métamorphose de gradient.

Ces quelques exemples montrent la corrélation claire entre l'absence d'entretien en alpage et ses conséquences directes sur la mécanique de la neige (et des avalanches).

Situés à l'étage subalpin, ces territoires exploités depuis des siècles comme alpages correspondent bien aux véritables zones de départ potentielles d'avalanches.

Souvent vastes, couverts de neige plus de 8 mois par an, moins soumis aux aléas climatiques que les secteurs situés à moins de 1600 - 1800 m, ils reçoivent des hauteurs de neige cumulées importantes chaque hiver.

Accrues par les mécanismes décrits précédemment, les avalanches partent de plus en plus haut, et parfois plus largement

qu'auparavant. Elles attaquent ainsi les zones forestières situées en aval, en y ouvrant de larges saignées de plus en plus importantes. A terme, les villages situés en dessous de la forêt qui ne jouera plus son rôle protecteur, sont menacés par de puissantes avalanches.

Ainsi la déprise en altitude peut, un jour, se payer beaucoup plus bas en aval. Phénomène bien compris depuis longtemps en Suisse, où l'on préserve le patrimoine forestier, considérant qu'il s'agit là d'un excellent paravalanche à grande échelle.


Richard LAMBERT - Expert en nivologie

Article paru dans la revue Pistes Infos déc. 1997


Article : Mais ou sont passées les neiges d'antan ?

Pour aller plus loin, vous pouvez consulter les cours développés par le département ski de l'ENSA et de l'ESF, sur lesquels s'appuient également les guides : Avalanche (part prévisible) - Avalanche (imprévisible et vigilance)